Carambar, une histoire de famille
Série photographique réalisée en 2024.
Cette série vous invite à découvrir un témoignage de la vie ouvrière au sein de l’usine Carambar à travers des mises en scène photographiques, des projections et des photographies d’archives. J’ai eu carte blanche durant plusieurs mois pour imaginer une dernière trace artistique de ce site industriel implanté dans la ville de Marcq-en-Barœul, qui s'apprête à être détruit.
Le sujet de cette série a émergé à la suite d'une rencontre hasardeuse, rue de la chocolatrie à Marcq-en-Baroeul. alors que je cherchais l'entrée de l'usine. J'ai fait rencontre de deux anciennes ouvrières de l'usine : Marie-Claire et Marie France Pisson, deux sœurs originaires de Marcq-en-Baroeul, aujourd’hui âgées de 70 et 72 ans. Leurs vies sont étroitement liées à cette usine, où elles ont travaillé ensemble pendant quatre décennies, de l'âge de 14 ans jusqu'à leur retraite. Leurs parents y travaillaient, elles y ont rencontré leurs conjoints, et leurs enfants ont également fait partie de cette grande famille ouvrière. Leur famille était tellement associée à l’usine Carambar qu'elle était connue sous le nom de "la famille Carambar".
Une particularité de l’organisation de travail des deux sœurs mérite d'être soulignée : l'une travaillait le matin, tandis que l'autre prenait le relais l'après-midi. Ce rythme leur permettait de se soutenir mutuellement et de veiller sur leurs enfants pendant la journée.
Pour rendre hommage aux deux sœurs tout en préservant les derniers vestiges de l'usine, j'ai opté pour la création de mises en scène colorées sur le site industriel, impliquant ses propres sœurs, dont l'âge correspondait à celui de Marie-Claire et Marie France lorsqu'elles ont débuté leur travail à l'usine, à savoir 14 et 15 ans. Etant l'aînée de 7 sœurs ayant toutes grandis à Marcq-en-Barœul, j'ai souhaité mettre en avant le sentiment de sororité qui émane du témoignage. Ces mises en scène ont également été créé avec des objets industriels collectés dans l’usine telles que des charlottes de travail, des rouleaux de papier Carambar ou des détails de signalétiques encore présents sur le site. Enfin, J'ai alterné mes propres photographies avec des photos archives issues des albums de famille des deux sœurs, créant ainsi un dialogue intergénérationnel et visuel.
Une video de l'INA datant de 1994 a filmé la famille des soeurs Pisson, je vous invite à aller la découvrir en cliquant ici.

Projections photographiques

Cette photo a été prise par Marie-France Pisson dans les années 90. Nous observons ici les machines de l'usine Carambar sur lesquelles sa soeur et elle travaillaient chaque jour.
Cette partie de la série propose des photographies issues de projections photographiques. Lors des visites sur le site industriel, j’ai capturé et collecté des images des machines, des tuyaux et des détails industriels qui sont restés en place, évoquant ainsi le travail qui s'y est déroulé. Ces photographies figent ces éléments industriels dans leur état d'origine, les transformant en des témoins silencieux de l'histoire de Carambar.
Par la suite, j’ai souhaité projeter ces photos sur un corps humain pour illustrer une partie du témoignage des deux sœurs, Marie-Claire et Marie-France. Lors de leurs échanges, au milieu des souvenirs joyeux partagés à l'usine Carambar, les deux sœurs ont également fait part de leurs douleurs physiques actuelles, résultant de leurs 40 années de travail à l'usine.
Ces projections photographiques sur un corps humain deviennent une métaphore de l'impact durable du travail à l'usine sur la vie de ces deux sœurs. Les machines et les équipements industriels s'incarnent en elles, illustrant visuellement les marques que le temps et le travail ont laissées sur leur corps. Cette partie de l'exposition nous invite à réfléchir à la complexité de l'expérience humaine au sein de l'industrie, à la fois source de souvenirs chaleureux et d’efforts physiques.

Les albums de famille
Lors des échanges avec Marie-France et Marie-Claire Pisson, j'ai eu l'occasion de découvrir plusieurs albums de famille qui retraçent leurs années de travail à l'usine Carambar. Ces albums offrent un aperçu inédit de la vie ouvrière, illustrant des moments de fête, des réunions et des apéritifs qui rythmaient les semaines de travail entre les années 80 et 2000.
Ces albums ont joué un rôle déterminant dans la conception de ce projet, et les images m'ont profondément inspiré pour la création de la série. C'est pourquoi j'ai souhaité les exposer au cœur de l’exposition, afin que le public puisse les observer. J'ai également choisi d'imprimer certaines de ces photographies pour établir un dialogue entre les images de l'époque des deux sœurs et celles prises sur le site industriel juste avant sa destruction.
Voici quelques extraits de ces albums.